mercredi 7 décembre 2011

Maître micro, sur sa suspension perchée...


"Oublie pas de mettre ton bonnet!" me disait maman, tandis que je sortais emmitouflé de la tête au pied pour gagner les sentiers de l'école... Ces paroles (qui ne m'enchantaient guère à l'époque!) résonnent encore dans ma tête lorsque je prépare mes ustensiles de tournage.

Que ce soit sur le terrain ou en studio, le sondier se retrouve sans cesse confronté au problème du "bon, comment je vais l'attacher lui..." Je parle bien sûr des pinces et autres suspensions micros. Des micros de toutes formes, de toutes longueurs, et avec des diamètres différents s'il vous plaît! Si les formes "standard" existent (dynamique type SM57, canons, statiques petite membrane), il est parfois difficile de s'y retrouver lorsque vient le moment fatidique de l'achat, qui représente bien souvent un investissement non-négligeable. Aussi est-il important de considérer toutes les formes pratiques auxquelles vous allez devoir faire appel une fois le micro branché. Pour cet article, nous ferons le tour des suspensions micro dédiées à la prise de son pour l'image, TV, documentaire, cinéma etc... au bout d'une perche évidemment!

Dans la valise "typique" du preneur de son, on trouve bien souvent deux modèles incontournables, à savoir l'hypercardiode petite membrane, et le micro canon, dédiées respectivement à la prise de son en intérieur et en extérieur, bien qu'il n'y ait pas vraiment de règles strictes, un petit hypercardio fait très bien l'affaire sur le terrain, pourvu que les conditions météo soient favorables et que la cible du "micing" ne soit pas trop éloignée.
Les références sont connues, Schoeps CMC-MK41, Neumann KM185 pour les petits, et Neumann KMR81, Sennheiser 416 et Rode NT3G pour les grands (liste non exhaustive bien entendu). Dans un format ou dans l'autre, les dimensions de chaque modèle sont assez semblables, mais il n'est guère envisageable de choisir un modèle de suspension unique pour passer de l'un à l'autre, d'une part pour des raisons pratiques (on doit être capable de percher d'un micro à l'autre rapidement), et d'autre part pour des raisons physiques, une cage abritant un micro canon n'est pas acoustiquement adaptée pour y loger un statique de dimensions réduites de moitié, voire plus.

Il convient donc de définir le cahier des charges de ces deux solutions, prenons pour commencer le petit hypercardio, pour des raisons pratiques, on va rester sur un modèle comme le MK41, que je connais très bien, et qui a toujours eu ma préférence.

-Le statique petite membrane a pour avantage une taille réduite, autant lui joindre une suspension+bonnette la moins encombrante possible, qui puisse éventuellement tenir dans le fameux "audio-bag".
-L'ensemble doit être léger et maniable, rapidement démontable mais néanmoins solide.
-La configuration choisie doit être capable d'isoler efficacement les mouvements brusques, bruits de manipulation et éventuellement être capable de tolérer un vent moyen.

Naturellement, comme dans tout domaine, la guerre des constructeurs fait rage, mais si on passe outre des modèles un peu plus exotiques, le premier standard à apparaître chez tout distributeur est souvent Rycote, un peu le pionnier de la protection micro...
Rycote propose toute une gamme de suspensions, les "In-vision"... quel que soit le type de micro, il y a un modèle qui colle, et ces suspensions présentent l'avantage d'être très solide (corps en laiton, pinces "lyres") et abordables, environ une cinquantaine d'euros. Les lyres noires, assez souples, peuvent être remplacées par des grises, d'un matériau plus dur, qui sont bien plus tolérantes au poids d'une bonnette et aux orientations de micros "tête en bas". A conseiller fortement donc. Pour un MK41, un modèle comme l'inv7 est idéal, l'isolation est très bonne, et bien qu'il ne s'agisse pas du modèle le moins volumineux, ça reste le meilleur rapport qualité-prix à mon sens.

 inv7 + mk41

Un autre grand standard, c'est la fameuse "bouée", plus connue sous le nom de Shure A53m, et déclinée sous d'autres marques, difficile de faire moins encombrant! C'est vraiment le modèle standard et sans (mauvaises) surprises, ça peut durer toute une vie, c'est pas cher, ça isole très bien pour peu que la scène ne soit pas trop mouvementée et ça tient dans la poche. On retrouve souvent cette suspension dans le petit monde du JT, sa petite taille est très adaptée aux prises à la volée, où l'instinct et la rapidité demeurent des alliés inestimables. Beaucoup d’autres marques proposent le même type de suspension, à des diamètres de « bouée » variables, les plus larges étant plus tolérantes aux sursauts et « lâches », tandis que le modèle de Shure demeure assez rigide. Bref, ici c’est chacun ses goûts !

 Shure A53m

Une autre marche du podium, c'est Cinela. Relativement récente, cette marque française a su imposer au domaine de la prise de son de nouveaux standards de qualité, à n'en pas douter, il s'agit véritablement de la solution sans compromis. L'isolation est parfaite, la construction impeccable, et l'embase XLR intégrée permet de démonter la suspension d'une perche en un temps record, un gadget utile que les autres constructeurs ne proposent bien souvent qu'en option. Pour un schoeps MK41 par exemple, l'Osyx2 est impeccable, elle existe aussi dans une autre déclinaison, avec des attaches plus dures, à l'image des lyres grises de chez Rycote. Là aussi je conseille fermement l'acquisition de ce modèle dérivé, qui survivra à n'importe quelle bonnette et aux usages du temps. Le top du top donc, mais à prix 4 à 5 fois plus élevé que chez les modèles pré-cités... une plus-value néanmoins justifiée à mon sens, tant le produit respire la qualité et se démarque avec classe de ses concurrents.

 Osix2 + MK41 + W20, une combinaison gagnante!

Et le chapeau alors? Bah oui, il convient d'adjoindre à ce micro sur ressorts acoustiques une cage dite "anti-vent", qui dans son écrin protègera les micro des chocs, et lui épargnera les caprices d'une petite houle ou d'une action mouvementée. Là encore, il y a plusieurs écoles... Les bonnettes type "mousse" sont à proscrire dès lors qu'on quitte un milieu intérieur au calme monacal, ça peut dépanner, mais ça demeure inadapté. Une petite cage acoustique filtrée efficacement est bien plus évoluée, tant en terme d'efficacité que de durabilité (et de prix malheureusement). Là encore, Rycote a sa propre solution, via les Baby-Ball-Gag, intimement appelées "BBG", dont les 3 déclinaisons de même taille proposent 3 diamètres différents. Si la 20mm est parfaitement adaptée à un micro comme le MK41, le modèle 22mm est un bon compromis car il pourra abriter des micros plus gros, et il suffit d'un peu de gaffeur pour y loger notre précieux hypercardio... du bricolage certes, mais aussi une économie potentielle qui ne perd quasiment rien en efficacité. En outre, la BBG est un bon produit, qui tolère facilement un vent moyen, son seul défaut réside dans son poids conséquent, qui nécessite sans appel un modèle de suspension étudié, comme vu précédemment.

 Invision + lyre-grises + BBG, lourd mais costaud!

L'alternative, moins bourrine mais plus classieuse, est la Schoeps W20, autre figure de proue dans les collections automne/hiver pour micros. Plus fragile que sa petite soeur, elle demeure un incontournable et se marie à merveille avec n'importe quel modèle de capsule pluggée sur CMC6. Sa légèreté et sa taille compacte sont des qualités certaines qu'apprécieront les possesseurs de perches lourdes en alu, ou ceux qui ont facilement des crampes au bras. Elle peut s'adapter à n'importe laquelle des suspensions pré-citées, et je la préconise en alliance des suspensions Cinela, qui ne sont pas vraiment étudiées pour recevoir une BBG (même si là encore, le bricolage reste possible). Cependant, cet allié précieux pourrait bien ne pas résister à des conditions difficiles où les perches s'entrechoquent, l'alliage tissu/plastique n'est pas à même d'encaisser une lourde chute... Prudence donc!



Toujours dans la catégorie "No Fucking Compromise", Cinela présente la Zephyx, bonnette imposante qui vient se greffer avec élégance sur ses suspensions osyx... aux alentours de 1000 euros, on ne peut qu'attendre l'excellence et c'est bien de ça dont il s'agit! Cage de conception révolutionnaire, modèles de bonnettes pouvant encaisser des situations météorologiques extrêmes, et robustesse à toute épreuve... Rien à redire! Cependant, l'ensemble est plus imposant, et sa forme façon ballon de rugby se montre moins instinctive que le standard "zeppelin" lorsqu'il s'agit de pointer le micro sur sa cible, une habitude à prendre quoi... Ce choix fera le bonheur des baroudeurs en tout genre, qui malmènent leurs micros à l'autre bout du monde, mais pour les autres, les deux solutions pré-citées sont plus sages, surtout financièrement!

 Suspension Osyx + Bonnette Zephyx

Passons maintenant au micro-canon, dont l'usage diffère quelque peu de l'hypercardio...

-Les dimensions de ce micro imposent naturellement un choix de suspension adapté, dont les fixations en couvrent la quasi-totalité en longueur, afin de le maintenir au mieux.
-La forme un peu "sniper" de ces modèles incite à choisir un modèle de cage anti-vent profilée suivant la même forme, pour une "visée" plus confortable.
-Le micro-canon étant l'arme principale et multi-tâche du preneur de son, il doit pouvoir encaisser toutes les conditions possibles, de l'intérieur paisible à la tempête en pleine mer. Bref, l'ensemble suspension/bonnette doit être modulable suivant la situation encourue.

La solution Low-Cost existe, et on la retrouve très souvent! Il s'agit ni plus ni moins que d'une suspension standard accompagnée d'une bonnette de type "softie", c'est à dire un simple moulage tissu/caoutchouc/parfois plastique dans laquelle on insère le tube à interférences. La suspension peut prendre plusieurs formes, avec des "lyres", des cordons en tissu ou des gaines de caoutchouc... Ici encore Rycote se taille la part du lion, modèles universels, In-Vision... On retrouve également les excellentes suspensions de chez Cinela, mais également d'autres acteurs fameux comme la gamme K-Tek (très appréciée outre-atlantique), mais également Rode, Reinhardt etc... 

 Une "bouée" Rycote universelle

Bref, les combinaisons sont innombrables, encore plus chez les bonnettes! Il existe de nombreux modèles génériques, s'adaptant à la plupart des micros canons, et d'autres adaptés à certains produits. Naturellement, pour éviter les surprises, autant s'orienter vers cette deuxième option. Cependant, pour un budget avoisinant les 150 euros, il ne faut pas s'attendre à des merveilles, et cet ensemble pourra vite révéler quelques défauts, d'une part parce que la suspension ne couvre bien souvent qu'une partie du micro en longueur (mouvements du tube, isolation solide moins efficace), et d'autre part car les bonnettes de type "softies" sont généralement dépassées dès lors que le vent s'énerve un peu. Néanmoins, en condition normales, voilà un ensemble pratique et pas cher qu'il est toujours cool d'avoir sur soi pour ne pas trop s'encombrer.

 Autre solution économique, la série S de chez Rycote

Mais pour tout le reste, rien ne vaut la cage acoustique de type "Zeppelin", c'est clair! Sa grande taille permet d'abriter une suspension plus performante qui n'oublie aucun tronçon du micro, sa forme est adaptée, et le fait de pouvoir la recouvrir d'une fourrure et autre jerseys lui confère une tolérance à l'environnement à toute épreuve. Rycote est depuis des dizaines d’années la référence, et si les modèles et les matériaux ont évolué, la base reste la même, on retrouve donc chez tout bon revendeur les fameux kits complets comprenant suspension, bonnette, fourrure, jersey, conn-box (connecteur très pratique) et le petit peigne qui va avec… Toujours basé sur les fameuses « lyres », ce kit représente la solution tout terrain par excellence, pour un investissement pouvant aller de 400 à 600 euros. Autant dire qu’il serait très con de mettre de l’audio-technica premier prix dans un tel ensemble de choc… 

 Le kit complet Rycote, exhaustif!

Chez Cinela, là on sort carrément l’artillerie lourde, via les bonnettes Zephyx. De forme ovoïde, cette dernière est de taille imposante, ce qui pourra être considéré par certains comme un défaut éventuel. Mais sans doute l’encombrement (mais pas le poids !) est-il le prix à payer pour bénéficier d’un degré de qualité de construction au-delà de tout soupçon. N’ayant essayé qu’une fois cet ensemble avec un MKH416, je me garderais de lui porter un jugement définitif, mais pour un non-initié, le maniement de la chose n’est pas l’évidence-même. Tout d’abord sa forme n’est pas des plus pratiques pour une visée précise… vous me direz, c’est avec les oreilles que ça se passe, mais un appui visuel est toujours un petit plus, comme Rycote l’a compris. Par contre, niveau isolation, là on touche du doigt les astres, par vent très fort, par mouvements délirants, impossible de prendre cet ensemble à défaut… lors d’un prochain hiver nucléaire peut-être ?

 Dissection de la Zephyx

Alors oui je sais, il reste le MS, les autres marques etc… Mais je n’ai pas la prétention de détenir la vérité universelle sur la question, et il me reste beaucoup à découvrir. Ce petit guide n’avait pour prétention que de guider les non-initiés et éventuellement, de donner un coup de pouce aux monteurs/mixeurs qui, comme moi, s’aventurent de temps en temps sur le terrain ! Mine de rien, ça fait du bien de prendre l’air non ? Sortez couverts les gars.

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