dimanche 17 janvier 2016

J'suis tombé dans l'panneau acoustique mec !

Une pièce dédiée pour la post-prod, Alleluia! Quelques mesures, pas mal de papier, des pots de peinture, un pantalon tâché... le décor est posé, maintenant place à l'acoustique! 2 grandes surfaces parallèles, un plancher bien dur, une grande hauteur sous combles façon cathédrale, ça commence plutôt mal tout ça... Quelques mesures réalisées avec Room EQ Wizard et un micro de fortune confirment l'ampleur des dégâts, et le chantier est tel que je renonce dans un premier temps aux mathématiques pour élaborer un premier jet de correction très formel, que je pourrai modifier et moduler à loisir via une véritable calibration numérique à base de mesures IIR ou FIR lors de futures mesures plus pointilleuses sur lesquelles je reviendrai prochainement. Dans l'immédiat, le but du jeu est de nettoyer au maximum le volume de ses premières réflexion intempestives dans le post 200/300Hz, qui lui demandera de véritables Basstraps et quelques Eqs éventuels.

Le cachier des charges:
-Le toit, qu'il faut absolument rabaisser au maximum via un plafond constitué de dalles acoustiques flottantes, de sorte à créer un espace acoustiquement "mort" au dessus, une sorte de piège à son, qui absorbera les HFs à la fois par dessous, et par dessus.
-Limiter les stationnaires des 2 murs parallèles.
-Habiller les autres murs via une conception à amortissement réparti.
-Ne pas dépenser trop de sous.
-Conserver un aspect modulable, qui permet de ré-aménager et/ou déménager le studio rapidement.
-Rendre le tout un minimum Sexy.

La solution des panneaux acoustiques amovibles s'est imposée assez naturellement. La nature même de la pièce rend la construction de "Corner Bass-Trap" assez dissuasive, et doubler des pans de murs entiers un chantier trop laborieux pour moi qui part à peu près du niveau zéro sur l'échelle de mac gyver.

Je me suis sans grand enthousiasme penché sur les solutions commerciales existantes concernant les panneaux absorbants, offre certes pléthorique, mais qui pêche soit par manque de sérieux, soit par budget bien trop élevé. Les solutions existent pour les bourses peu remplies, mais ce ne sont pas quelques pans de mousse ou quelques blocs style Auralex/Colsound qui vont révolutionner les choses... Soit, j'opte pour le 100% fait maison, gratifiant à plus d'un titre. J'ai centré ma construction sur un principe très simple, un cadre en bois bourré de laine de roche, et recouvert de tissu. Jusque là, pas de défi particulier. Cependant, j'ai prévu des panneaux suspendus, que ce soit au plafond ou sous les combles, il faudra donc les dissocier des autres et les renforcer un maximum de manière à ce que la laine ne s'affaisse pas au fil du temps, voilà qui serait bien vilain... Autre élément qui demande quelques découpes supplèmentaires: les blocs carrés.




Pour le bois, j'ai opté pour du sapin, que vous pouvez acheter en planches d'envergure dans toute bonne enseigne de bricolage. Pour ma part j'ai procédé à une découpe professionnelle sur place de manière à avoir des planches de 10x250cm, que je découperai ensuite... à la scie! Cumulant un total de 15 panneaux, autant dire que les ampoules au doigt étaient programmées. La précision de la coupe est primordiale, donc ne vous précipitez pas sous peine d'avoir des panneaux tordus... pour l'assemblage, un couple de serre-joints de grande dimension, et des vis à bois de bonne qualité.



Une grosse douzaine d'heures de travail plus tard vint le choix de la laine de roche... Là encore, j'ai fait simple via les panneaux RockWool Rockplus, qui présente une lourde densité volumique et sont pré-découpés à des dimensions idéales, 135x60cm et une profondeur de 10 cm, impeccable. D'autres choix sont possibles selon les coefficients d'aborption souhaités, j'ai d'ailleurs opté pour une laine moins dense pour faire mes panneaux carrés. Mes cadres en bois accueillent quant à eux une surface de 133x58, de manière à ce que la laine tiennent bien en place. Si c'était à refaire je me contenterais peut-être de conserver la même dimension que les blocs Rockwool, car c'était parfois une misère totale pour les faire entrer dedans! Les panneaux sont couverts d'un pare-feu qu'il va falloir enlever laborieusement, car cette saloperie est solidement collée... Votre meilleure arme pour la découpe de la laine: le couteau à pain! C'est pas faute d'avoir essayé autre chose, mais je n'ai rien trouvé de mieux...



Après avoir commandé quelques échantillons, en matière de tissu j'ai retenu la toile de jute... ses mailles sont solides mais suffisamment aérées pour « laisser passer » le son, des finitions colorées sont possibles, et le tarif est bien plus serré que du coton haute densité. J'ai d'ailleurs acheté un grand rouleau de toile naturelle pour faire l'arrière des panneaux, tandis que les faces seules sont en couleurs. Quelques dizaines d'euros de gagnées... On s'attaque donc ici à la partie la plus chiante... des milliers d'agrafes viendront maintenir le tout en place, et il est indispensable de tendre le tissu au maximum, chose peu aisée lorsqu'on exerce en solo, mais pas impossible pour autant. Pour les panneaux standards j'ai juste "emballé" la laine dans de la toile de jute marron, pour ainsi la refermer sur l'avant, puis appliqué la toile de couleur par dessus. Pour les panneaux suspendus, même opération sauf que j'applique une couche supplémentaire sur l'avant, de manière à ce que la laine soit parfaitement contenue.




Comptez en moyenne 1h30 à 2h par panneau... et oui... Pour l'esthétique, il faut bien faire gaffe aux coins et aux plis, on se foire les premières fois et après roulez jeunesse! Inconvénient de la toile de jute, ses mailles peuvent s'arracher facilement, il convient donc de bien la tendre, mais pas à l'extrême non plus sous peine d'avoir des coutures qui s'étirent dangereusement. Pour les renforts des panneaux suspendus j'ai testé des cornières en métal, des armatures en plastiques... mais non seulement le panneau gagne (trop) en masse, mais il souffre aussi d'une déformation accrue dans le temps, bref, on oublie, et la solution de la toile de jute naturelle bien tendue des 2 côtés puis recouverte est vraiment à toute épreuve, très solide.

                                                     
Vient ensuite l'étape que je redoutais un peu, l'accroche! Mine de rien les bestiaus font leur poids, et quitte à me ramasser un peu j'ai voulu tenter plusieurs choses... Pour les surfaces bétonnées j'ai choisi de grosses chevilles plastiques associées à des pitons de 10cm de long, ce qui permettra aux panneaux d'être placé à la mÍme distance du mur... même principe que pour le plafond donc, le son passera un peu derrière également, c'est toujours bon à prendre. Pour le placo pas vraiment de choix possible sinon la cheville Molly, et à ce titre mieux vaut prendre du costaud. Ces panneaux muraux seront accrochés via 3 points, designés par des petits crochets à visser directement dans le bois, ce qui implique de tailler la toile à ces endroits précis. Pour le plafond, même principe sauf qu'il y aura 4 points d'attache suspendus à des pitons vissés via cheville molly, le tout relié avec du fil de laiton, bien costaud et qui permet d'ajuster la longueur au millimètre près en lui appliquant une petite torsion. Quelques ajustements auront été nécessaires, le temps de laisser aux fils le temps de se tendre au maximum.




Sur le papier, ça marche plutôt bien tout ça... Mais le budget est à l'avenant, et mine de rien toute la partie quincaillerie représente une part à ne pas négliger, crochets, pitons et chevilles sont chers pour peu que l'on prenne du costaud, et dans le cas de gros panneaux suspendus au-dessus d'un matériel onéreux, autant ne pas trop fonctionner à l'économie. Privilégiez la molly tant que possible, mes chevilles plastiques se sont révélées à la hauteur pour les petites panneaux carrés d'un poids très relatif, mais trop justes pour les 4 panneaux principaux devant le point d'écoute, j'ai corrigé ça depuis...

Seul regret, j'aurais vraiment dû ajouter une fine couche de cellulose ouatée (coton très fin) en plus de la laine de roche sur la surface visible du panneau, 2 couches de toile de jute ne permette pas une filtration 100% complète des fibres de laine, résultat, la première semaine il y en avait partout! J'ai donc re-démonté les panneaux du plafond pour les équiper avec ça, depuis c'est parfait, 100% étanche ;)



Voilà le résultat! Je m'arrête là pour aujourd'hui, c'était la partie mécanique! Dans un prochain article je vous présenterai les mesures acoustique faites avec et sans habillage, ce qui nous permettra de déterminer le gain réel de ce type d'aménagement, et de définir les solutions complémentaires, matérielles ou logicielles, pour parfaire l'équilibre de l'ensemble. Mais ce premier jet m'a déjà largement sauté aux oreilles, le mécanisme du plafond est très efficace pour drastiquement diminuer le RT60, le sweet spot s'est considérablement élargi, et les premières réflexions ont sérieusement morflé, l'architecture même de la pièce sous combes y aidant un peu!

Bref, mon humble contribution qui pourra peut-être donner des idées aux home-studios, home-cinema et autres... ;)