Je rappelle le but de la manœuvre...
après avoir fait un premier jet formel et mécanique d'aménagement
acoustique du local sans réelle préoccupation mathématique, mais
uniquement basé sur mon expérience et mes convictions (pis pour me faire plaisir aussi), je procède
maintenant à la partie calcul des modes de fréquence et mesures des
différents critères prioritaires : réponse en fréquence,
réverbération, retard de groupe et homogénéité de l'énergie
sonore.
Première étape : calcul des
modes. Rien de compliqué, cette étape va nous permettre de
déterminer les fréquences problématiques (c'est à dire trop
fortes ou pas assez) induites par les dimensions du local. Les
calculs des modes axiaux se font entre 2 parois parallèles, je fais
l'impasse ici sur les modes obliques et tangentiels, bien plus
complexes à calculer et relativement négligeables face à
l'importance de l'axial. Autrement dit, avec ma pièce aux dimensions
complexes, il va falloir faire œuvre de compromis en la traitant
comme un bête volume rectangulaire. Résultats à prendre avec des
pincettes donc, mais qui me donneront une première idée pour
l'emplacement optimal de mon sweet spot et de mes enceintes.
Sur le papier, pour un mode N, on
applique la formule : fréquence modale N = (Nx340)/(2xL), L étant
la distance entre 2 murs. Le calcul des modes est important jusqu'à
500Hz, ses répercussions sur l'écoute sont bien moindres au-delà,
la réponse en fréquence du signal étant par contre entièrement
tributaire des dimensions d'un local de petite taille en dessous de
200Hz... les longueurs d'onde coïncidant souvent avec les longueurs
métriques, on a une adaptation d'impédance acoustique entre l'enceinte et le local. Manque de bol, avec un rapport entre longueur et largeur
de pièce qui est pas loin d'être entier (grosso merdo 3,5x4m) je
multiplie les risques de modes coïncidants, avec des boosts accumulés
sur les modes pairs, et des « noeuds » sur les modes
impairs... Bref, la pièce carrée est la plus difficile à traiter car les modes entre les deux parois sont doublés, en perte comme en gain! Sur une forme plus rectangle on est plus susceptible d'avoir des coïncidences heureuses, un noeud pouvant annuler un ventre de fréquence et inversement. Sur le papier, outre un 50 et un 160Hz bien placés pour faire chier, je repère des sérieux problèmes de coïncidences
autour de 270, 360 et 450Hz (nœuds, modes impairs) et 320, 410Hz
(Ventres, modes pairs).
Ca me rappelle les années fac...
Je retrouve, avec une marge d'erreur de
10/20Hz ces estimations avec le « room simulator » de
Room EQ Wizard, qui va me permettre à l'aide de simulation de
placements source/auditeur de faire le meilleur compromis, en plus
d'ajouter le calcul des modes entre sol et plafond. Méthodologie :
on minimise l'importance des stationnaires et faisant jouer le
placement virtuel source/auditeur, que l'on applique ensuite sur le terrain. J'ai
donc reculé mon sweet spot de 50cm tout comme j'ai un peu éloigné
mes enceintes du mur, le phénomène est déjà un peu atténué. Ces
placements se confirment « en dur » tout simplement en
utilisant un générateur de sinus où l'on choisit les fréquences à
problème, avant de se déplacer dans la pièce pour repérer les
nœuds et les ventres. Bref, j'y ai mis 2 bonnes heures, mais j'ai un
sweet spot « moins pire », même si évidemment c'est un
gros compromis à faire sur les fréquences <150Hz où une
position d'écoute déplacée de quelques centimètres ne fera pas
vraiment la différence par rapport à la longueur d'onde. J'ai
corrélé ces résultats avec une suite de 5 mesures de réponse en
fréquence par pas de 25cm à l'aide de REW. J'ai principalement
limité la casse pour le 50Hz quasiment annulé au centre de la
pièce, pour le reste, Alea Jacta Est !
Le Room Simulator de REW, nickel pour optimiser les positions source/écoute
Dans le Room Simulator, j'ai pu
déterminer à l'aide de calculs bien relous quels murs étaient les plus sollicités dans
l'atténuation des modes en faisant varier le coefficient
d'absorption de chaque paroi. Comme je l'avais senti, c'est surtout
le plafond qui joue un rôle important, mais en faisant le rapport entre l'aire
totale de la paroi et l'aire totale de mes absorbants allant jusqu'à
une aborption de 0,92 dans les Hfs, j'arrivais déjà virtuellement à des
résultats concluants, à savoir des modes encore présents, mais
avec des écarts de niveau nettement atténués, nous pourrons le
vérifier plus tard. Vous trouverez de précieux renseignements
concernant le coefficient d'absorption de divers matériaux à cette adresse : http://www.bobgolds.com/AbsorptionCoefficients.htm
Ensuite, escabeau en main, dans un moment pouvant être
considéré comme un Everest du FUN, j'ai enlevé tous mes
traitements, tapis, rideaux de la pièce afin de procéder à une
mesure à vide pour voir l'étendue des dégâts avec un sweet spot
pourtant à peu près optimisé. C'est parti !
A poil la régie!
Sans surprise, une réverbération de
ouf, un écho presque métallique lié à la hauteur sous plafond et
une isolation des combles merdique, boosts de graves aux 4 coins de
la pièce (le grand classique), un medium pas amorti du tout, un gros
nœud d'infra au centre de la pièce, et une vraie séance de
ping-pong générale dans l'aigu. 3 mesures : sweet spot, sweet spot avancé de 25 centimètres, sweet
spot reculé d'un mètre, et écoute client dans le coin de la pièce,
là où généralement les gens se posent sur un fauteuil en jouant à Angry Birds. Ok,
maintenant on remet tous les traitements et on fait la différence
via ces 4 mêmes mesures, je ne les exposerai pas toutes ici, 80% d'entre vous ne sont pas arrivés jusqu'ici avouez!
Vert VS Rouge, Rouge Wins!
Au sweet spot, la réponse en fréquence demeure
cruelle, on pouvait s'y attendre car dans ce domaine, quelques
absorbants costauds ne peuvent atténuer significativement le
comportement d'une pièce dans son comportement dimensionnel.
L'ensemble demeure donc accidenté, j'y retrouve les modes
problématiques précédemment calculés avec une marge d'erreur
allant de 5 à 30Hz (évidemment là je ne mesure plus un rectangle, le 160 sur papier est devenu 180 par exemple),
mais on note cependant une belle réduction des différences de
niveau, la dynamique maximale aux points les plus critiques entre ventres et nœuds passe de 40 à 23dB,
c'est un premier jet déjà efficace en attendant une correction
numérique complémentaire, qui du coup se fera avec moins de
violence, et donc moins de problèmes de phase et de distorsion, il
est toujours prudent de doser raisonnablement les gains d'un EQ
digital, qui de toute évidence ne sera pas un Weiss Digital à 5000euros
hahaha.
Signe que je n'ai pas trop foiré l'emplacement de mon sweet spot (ici en rouge), que ce soit 50cm devant ou 1m derrière, c'est le carnage!
Eléments bien plus parlants et
encourageants, les différences de temps de réverbération, de
retard de groupe et donc de Waterfall. Ces graphiques apportent tous
un gain très important en conditions d'écoute et prouvent que mon
aménagement, c'est malgré tout pas d'la branlette. L'énergie
acoustique est mieux contrôlée, l'aigu moins dispersé, la réponse
impulsionnelle plus courte et efficace, l'effet de brillance
nettement amoindri, et le TR60 rabaissé à des conditions presque excellentes. En clair, la pièce est mieux amortie, plus stable, plus lol, plus
swag.
le TR60, radicalement diminué au sweet spot et au point d'écoute client, success! (point d'écoute client dans un coin, ce qui explique le rendu dans l'infra)
Le Group Delay, ou temps de propagation de groupe en fonction de la fréquence, est lié à la cohérence en phase du signal et des premières réflexions du local. Le retard dans les graves augmente leur niveau subjectif comme c'est bien souvent le cas dans les petites pièces, phénomène aggravé par les premières fréquences modales. On verra comment quelques bass-traps corrigeront le tir. On retrouve également ce fichu noeud autour de 180Hz déjà présent sur la réponse en fréquence. Pour la partie >200Hz, mon petit aménagement fait ici du très bon boulot!
La réponse impulsionnelle (IR), mesure un peu compliquée à expliquer par écrit, disons qu'il s'agit plus ou moins de l'empreinte acoustique du lieu! (utilisée dans les reverbs à convolution) On voit ici que le "pulse" est plus bref, plus net, soit moins de "traînage" dans la pièce.
Le Waterfall illustre la rapidité de dissipation (ou écoulement) de l'énergie acoustique, ce facteur est directement lié à l'écoute par la capacité de la diffusion à restituer la séparation des plans sonores et l'équilibre dynamique, très important donc, surtout en home cinema! Une écoute de proximité exige une décroissance rapide au delà de 500Hz, le tir a bien été corrigé ici, mais la dissipation est encore un peu longue au-delà de 5k, ceci devrait être corrigé en remettant quelques absorbants sur le comble de droite, et surtout au plafond, dont la grande hauteur implique directement une énergie qui met plus de temps à s'éteindre.
Alors, quelles conclusions? Eh bien je suis plutôt satisfait du rendu, la salle s'est amortie considérablement, impactant directement sur des phénomènes essentiels comme l'amortissement du champ diffus, l'atténuation des premières réflexions, la tenue transitoire et l'équilibre dynamique.
Du côté de la tenue en fréquence, le bilan est évidemment plus mitigé même si les défauts ont déjà été minimisés, je ne m'attendais pas à des miracles sur le <200Hz car je n'ai pas conçu de bass-traps, mais je n'ai pas été aidé par les dimensions quasi-carrées de la pièce qui tendent à aggraver les problèmes (et encore je n'ai pas de caisson!), sur cette partie du spectre, nul doute que seule une solution digital/dsp pourra faire une réelle différence.
Autre truc que je n'ai pas vu venir, mes 4 panneaux frontaux, éloignés de 10cm du mur, au-delà d'amoindrir les écarts noeuds/ventres, ont également participé à créer de nouveaux stationnaires placés plus haut dans le medium (2/400Hz), effectivement cet ensemble peut s'apparenter à un "mur" qui réduit la distance entre les 2 parois, le choix d'une densité volumique très forte n'était peut-être pas le meilleur choix.
Quant à l'emplacement du sweet spot, il est optimisé mais encore fragile, il suffit parfois d'un mouvement de tête de 20cm pour ressentir une baisse drastique de niveau (180Hz dans mon cas)
La brillance encore présente, si je ne l'avais pas vraiment anticipée, ne posera quant à elle pas de problèmes particuliers, il me suffit de compléter un peu l'installation actuelle avec les mêmes moyens que précédemment, j'ai de toutes façons l'habitude d'une écoute un peu "airy" dans cette partie du spectre.
Côté méthodologie, je ne regrette rien, je pense avoir fait les choses avec du sens, ce n'est certes pas la méthode classique qui consiste à faire ses maths avant toute chose, mais mon anticipation mécanique formelle de certains problèmes, puis leur proche correspondance avec mes mesures et calculs tarifs se sont avérés payants.
Le petit coin client, qui profite également de conditions d'écoute plus fidèles
Et alors, concrètement, quelles améliorations restent à
faire ? Eh bien les problèmes non-résolus par mon premier jet
sont désormais identifiés et prêts à se prendre une grosse
tartine dans la gueule.
-La nette brillance du spectre m'a
surpris, je suis coutumier d'une écoute assez analytique dans
l'aigu, mais je ne m'attendais pas à ce que les HFs >5k subsistent de la sorte. J'ai en parti résolu le problème en m'aidant de la directivité
croissante des PMC, c'est à dire qu'en leur exerçant une petite rotation convergente vers mon point d'écoute, j'ai dévié le sweet spot à 20cm devant
mes oreilles, les aigus ne sont ainsi plus en « champ direct »
et je profite d'une pente plus douce due à cette déviation. Mais le plafond est encore à incriminer, son rôle de piège à HFs n'est pas encore optimisé.
-Remplacer les pieds d'enceintes stéréo
par des bass-traps cylindriques : placés à proximité des
coins avant, ils devraient significativement chatouiller les écarts
de niveau importants et les résonnances autour de 70 et 180Hz. Voire rétablir un peu de vérité dans le bas-medium?
-Placer 2 autres de ces Bass-Traps à
l'arrière du point d'écoute, ils permettront d'apporter une écoute
client moins faussée dans le grave, et pourront servir de pieds aux
futures enceintes surround. Je suis moins certain de leur efficacité que ceux qui seront placés devant, mais ça vaut le coup d'essayer, Inch'Allah.
-Renforcer le dispositif absorbant du
plafond, pour cela j'hésite encore... passer leur nombre de 3 à 4? Mais je pense plutôt prendre deux bêtes panneaux commerciaux que je
placerais au-dessus des miens, moins denses, moins lourd, ils
combleront les brèches encore ouvertes dans mon système suspendu et seront 100% dédiés aux
Hfs qui semblent encore flotter un peu là-haut (réponse en fréquence encore brillante, énergie >5k pas encore assez rapidement dissipée sur le waterfall), mes panneaux
« maison » renforcés ayant une densité volumique un
chouilla trop élevée pour garantir une absorption totale.
-Refaire 2 panneaux "maison" sur le
comble droit, les mesures issues de l'enceinte droite seule souffrent
encore un peu d'une brillance supplémentaire liée à cette paroi
nue dont le pouvoir d'absorption ne doit pas être loin de zéro... A vrai dire si je ne l'ai pas fait avant, c'est parce que je n'avais plus assez de matériaux et que j'avais la flemme... Leroy Merlin Here I come!
Gros budget supplémentaire donc, les
Basstraps Hofa ne sont pas donnés (150 pièce), mais apparemment très efficaces,
et à vrai dire je ne me sens pas trop de les fabriquer moi-mêmes
car ils devront être capables de recevoir une charge lourde.
Je vais donc procéder à ces
aménagements supplémentaires dans le mois à venir, suite à ça
bien évidemment on mesurera l'apport qui en découle, et on aura si
Dieu le veut une base acoustique très solide qui pourra enfin
accueillir un dispositif 5.1 qui ne ment pas, et une éventuelle calibration
acoustique digitale qui fera entrer le tout dans une solution sans
compromis! Et les compromis, moi, j'aime pas trop :)